STU/70e Conseil/23/012
17 mai 2023
216 e session du Conseil exécutif de l’UNESCO
Intervention orale du Syndicat du personnel de l'UNESCO (STU)
Merci Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs, chers collègues,
Le personnel de l’UNESCO constitue la véritable richesse et la valeur de notre Organisation ». Nous apprécions ce discours, mais nous l’apprécierions bien d’avantage si de tels propos s’accompagnaient de faits démontrant que cette richesse de talents n’est pas un trésor à exploiter mais un patrimoine à développer et faire fructifier !
« Attirer et retenir les talents » est l’un des objectifs de la nouvelle stratégie de gestion des ressources humaines, que nous partageons dans sa conception, mais avec d’énormes réserves quant à sa mise en œuvre dans la mesure où les ressources nécessaires ne lui seraient pas allouées. Avec une Caisse d’assurance maladie qui coûte cher à ses membres et offre les taux de remboursement parmi les plus bas du système des Nations unies, mais aussi une couverture financière de l’assurance maladie après la cessation de service aujourd’hui pratiquement inexistante, l’UNESCO ne fait pas beaucoup pour se rendre compétitive sur le marché. Que dire alors de l’environnement de travail dans lequel ces talents et ces compétences devraient s’épanouir ?
Excellences,
Il est en la matière des indicateurs qui devraient vous alarmer autant qu’ils inquiètent le STU. L'enquête sur la santé à l'échelle des Nations Unies menée par le Corps commun d'enquête (CCI) en 2022, à laquelle ont participé 650 membres du personnel de l’UNESCO, nous fournit la photographie d’une situation extrêmement préoccupante. D’une première analyse, il ressort en effet que, par rapport aux autres agences, le personnel de l'UNESCO est beaucoup plus exposé à des risques élevés pour la santé. Presque la moitié du personnel de l'UNESCO se déclare stressé , un pourcentage qui est presque le double de la moyenne de l’ensemble des agences des Nations Unies. Le personnel de l'UNESCO prend plus de jours de congé de maladie que celui de beaucoup d’autres organisations.
Il résulte de ce rapport que les 10 premières raisons de ce stress sont toutes liées au travail : charge de travail trop lourde, manque de ressources, échéances irréalisables, manque de soutien de la part des gestionnaires, manque d’autonomie, de perspectives de développement de carrière, et j’en passe.
En fouillant davantage encore, on découvre que 6 personnes sur 10 participent à des appels et à des réunions en dehors des heures de travail et que 7 membres du personnel de l’UNESCO sur 10 déclarent travailler plus que ce que ne prévoit leur contrat , un « excès de zèle » qui coûte à un tiers d’entre eux jusqu’à 10 heures de travail en plus par semaine.
En raison d’une charge de travail excessive, près de 40 % du personnel n'a pas le temps de pratiquer une activité physique, ce qui a de graves conséquences sur la santé, tant physique que mentale. Doit-on s’étonner dès lors que l’environnement de travail lui-même « tombe malade », devienne toxique ?
Monsieur le Président, Excellences,
Aucune stratégie de gestion des ressources humaines, aussi parfaite soit-elle, ne peut suffire à prévenir et à résoudre tous les maux pouvant découler d'une telle situation, tant que l'on ne s'attaque pas aux causes profondes et systémiques - et non aux symptômes - de ce stress, de ce malaise diffus et délétère. Durant ces 20 dernières années, comme l’a montré l’Administration, la valeur réelle de notre budget s’est réduite à moins de la moitié de ce qu’elle était au début des années 2000. Durant cette même période, l’UNESCO a réduit son personnel sous contrat à durée définie de 344 unités, alors que le nombre d’engagements au titre d’un projet triplait, et que la proportion du personnel non-permanent atteignait progressivement les 50% de l’ensemble du personnel de l’UNESCO.
Face à cette évidente contraction de nos ressources, nous n’avons pas observé une réduction proportionnelle de nos programmes, de nos réunions statutaires, de nos réseaux, de nos initiatives, de nos priorités. Pour combien de temps encore demandera-t-on au personnel de l’UNESCO de faire toujours plus avec toujours moins de moyens?
Les crises sont autant d’opportunités pour ceux qui, à la croisée des chemins, savent opérer des choix courageux. En marche vers la 42e Conférence générale, nous sommes à l’un de ces carrefours importants de la vie de notre Organisation, et vous avez non seulement le pouvoir mais aussi le devoir moral de garantir une plus juste adéquation entre les ressources mises à disposition du Secrétariat et l’ambition des stratégies et des plans de travail que vous allez approuver.
Le STU vous demande de garantir à la nouvelle Stratégie de gestion des ressources humaines les moyens nécessaires pour une mise en œuvre effective, impactante, incluant notamment :
Plus d’opportunités de formation du personnel, lequel désire acquérir de nouvelles compétences et accroître ses chances d'avancement de carrière ;
Des mesures efficaces pour assurer le suivi de comportements inappropriés, parfois abusifs, récurrents et bien documentés, de certains superviseurs ;
La régularisation des titulaires de contrats temporaires remplissant depuis trop longtemps des fonctions essentielles à la mission de l’UNESCO ;
Une amélioration significative du système de justice interne pour plus de transparence et une protection sans failles des collègues qui ont le courage de prendre la parole et lancer des alertes.
Le STU demande enfin à l’Administration de prêter la plus grande attention au processus de réforme du réseau hors-Siège. Celui-ci entraînera des conséquences importantes pour la vie et les conditions de travail de nombreux collègues, et ceux-ci méritent d’être informés en temps utile, conseillés et accompagnés comme il se doit dans ce processus de transformation de leur mandat et de leurs fonctions.
Mesdames et Messieurs les Délégués, Monsieur le Président,
Le personnel de l’UNESCO attend de vous que vous preniez des décisions éclairées, courageuses, à même de restituer au trésor que vous affirmez avoir entre les mains toute sa dignité, et la sérénité nécessaire pour exprimer et développer ses talents et ses compétences, au service des idéaux et des valeurs dont le monde d’aujourd’hui a tant besoin.
Au nom du STU, je vous remercie de votre attention.